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Une touchante lettre écrite par le grand Mike Bossy

Publié le 16 avril 2022 à 11h35
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Ce vendredi, c'est avec beaucoup de tristesse que nous apprenions le décès d'une légende du hockey et surtout, d'un grand homme.

En effet, le grand Mike Bossy nous quittait à l'âge de 65 ans, entouré des siens pour un dernier aurevoir. 🙏

Tout au long de cette triste journée, nous avons été témoins de plusieurs messages des plus touchants à l'endroit de Mike Bossy et ce, dans toutes les sphères de la population. Le grand Mike était vraiment apprécié de tous.

Une lettre que le grand Mike avait rédigée, au jeune Mike de 14 ans


Il y a environ 5 ans, sur le site The Players' Tribune, Bossy rédigea une touchante lettre pour le jeune Mike...

Voici cet excellent texte en traduction libre par Michel Godbout de TVA Sports :

« Cher Mike de 14 ans, je t'écris ceci alors que j'ai soixante années bien sonnées, et j'ai des nouvelles du futur que tu trouveras invraisemblables.

Il y a 30 équipes dans la LNH en 2017 et la saison prochaine il y en aura une à Las Vegas.

Les joueurs ne fument plus et ne boivent plus de café noir entre les périodes. Ils boivent plutôt des «smoothies» et ils «s'étirent».

Le salaire d'un marqueur de 50 buts tourne autour de 9 millions de dollars par année et la bagarre est considérée comme une pratique en voie d'extinction.

Je sais que tu l'aimes, celle-là. Tu es sur le point de connaître des moments d'une extrême violence. C'est un peu pourquoi je t'écris, pour te dire que tu vas traverser l'une des périodes les plus difficiles de ta vie. J'espère que tu as aimé ton beau nez depuis les 14 dernières années, car il deviendra croche avant longtemps.

L'organisation du National de Laval est sur le point de déménager ta famille dans une maison neuve afin que tu puisses jouer avec l'équipe. Au début, tout te semblera parfait. Jusqu'ici, tes parents ont élevé 10 enfants dans un 4 et demi à Montréal. Tu n'as jamais eu une chambre à coucher. Tu dois dormir dans un lit de bébé au bout du corridor derrière un petit rideau.

Quand tu penses au hockey, tu ne vois pas les Canadiens de Montreal dans leurs chandails bleu, blanc, rouge. Tu entends plutôt les Canadiens. C'est que ton père ne te laisse jamais regarder Hockey Night in Canada à la télé. Il ferme ton petit rideau, mais ton lit est à côté du salon, donc tu ne dors jamais durant les matchs, tu les écoutes. Tu te souviens à peine d'avoir vu jouer Jean Béliveau, mais tu as des souvenirs limpides de la voix de Danny Gallivan qui montait de quelques octaves lorsque Jean touchait à la rondelle.

Quand tu aménageras dans la nouvelle maison à Laval, tu auras finalement ta propre chambre, mais ta vie sur la patinoire au cours des quatre prochaines années sera difficile. À ton arrivée, tu seras reconnu comme un marqueur naturel. Mais la vérité, c'est qu'il n'y a rien de naturel dans tout ça. Tu en seras toujours agacé d'ailleurs, surtout lorsque les gens te demanderont «pourquoi c'était si facile pour toi de marquer, Mike?»

Ce n'était jamais facile. Ta mère aime raconter aux gens la fois où tu avais marqué 21 buts dans ton premier match novice. Même si cette histoire est vraie, les buts ne racontent qu'une partie de l'histoire. Parce que ta mère oublie de dire combien de temps tu passais seul sur la patinoire dans la cour à tirer des rondelles sur une planche de bois. T'as pas un vrai filet de hockey, alors tu aiguises ta précision en visant les marques de rondelles sur la planche. Tir, après tir, après tir jusqu'à ce que tes pieds soient complètement gelés. (Te souviens-tu que maman dégelais tes pieds dans l'eau froide craignant que l'eau chaude ne te fasse perdre tes orteils)?

Pour une raison que j'ignore, il y a des gens qui te détesteront parce que tu es un marqueur. Des équipes adverses vont te cibler plus souvent qu'à ton tour. Ils vont te sauter dessus par-derrière. Te frapper sournoisement. Ils vont même t'assommer avec des mises en échec dans ton angle mort. (Dans le futur, il s'agira d'ailleurs d'une blessure grave nommé commotion. Tu l'ignores encore, mais tu en auras plusieurs.)

Certains soirs, alors que tu seras assis sur le banc à reprendre ton souffle, tu lèveras les yeux pour voir l'équipe adverse, l'équipe entière littéralement foncer vers ton banc pour partir une bagarre générale. Les coups de bâton et les double-échecs seront si fréquents, ça ne vaudra pas la peine d'en parler. C'est tout simplement la réalité du hockey junior dans les années 1970.

Cet abus te marquera à jamais. Ton nez sera fracturé. Tes côtes seront fêlées. Mais ça marquera ton esprit aussi. Psychologiquement, le simple voyage en autobus vers le prochain match, sachant le degré de violence qui t'attend, sera difficile pour toi. Il y aura de nombreux voyages où tu te demanderas pourquoi tu joues, quel en est le but?

Mais tu dois persévérer. Tu dois persévérer pour 2 raisons:

1. Si tu n'abandonne pas, tu établiras le record pour le plus grand nombre de buts au niveau junior et tu te rendras à la LNH.

2. La fille derrière le comptoir du casse-croûte.

Le numéro 2 est la raison la plus importante. La fille qui travaille à tous les matins au casse-croûte de la patinoire à Laval est pas mal belle. Je connais toutes tes petites stratégies mon gars. Tu es bien trop gêné pour lui parler, alors chaque jour avant l'entraînement tu vas lui acheter une palette de chocolat.

Éventuellement tu devras trouver le courage pour discuter avec elle, peut-être même lui demander son nom. (C'est Lucie en passant). Son frère est l'entraîneur de l'équipe midget et il est assez malin, alors tu auras tout intérêt à être un «gentleman».

Cette fille sera à tes côtés pour le reste de ta vie. Elle est folle du hockey et personne, même pas toi, sera aussi critique de tes performances.

En 1977, dans seulement six ans, tu auras la chance d'une vie. Quatorze équipes lèveront le nez sur toi au repêchage de la LNH. Ils ne voudront rien savoir de toi. Ils penseront que tu es trop timide. Ils te diront trop frêle pour marquer des buts dans la LNH. Du moins, c'est ce que tu te diras assis dans le bureau de ton avocat, regardant le téléphone en attendant qu'il sonne.

Finalement, l'appel viendra, un homme du nom de Bill Torrey te souhaitera la bienvenue chez les Islanders de New York. Il en est le directeur général et il est en train de bâtir une dynastie. Là, je dois te mettre en garde.

Bill est une légende.

Toi, tu es un jeune naif et gêné.

Je t'implore, je te supplie de laisser ton agent négocier ton contrat. Si je peux changer l'avenir avec cette lettre, j'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi. Lorsque tu vas t'asseoir avec Bill et qu'il te fera une offre ridiculement basse, laisse ton agent parler. Laisse-le comparer l'offre avec celles des autres recrues. C'est comme ça en affaires.

Veux-tu savoir ce que tu as fait? (Fais-le pas!)

Bill sera assis avec son fameux noeud papillon rouge et il va dire : «Alors Mike, puisque tu n'es pas satisfait de cette offre, à quel niveau crois-tu pouvoir jouer dans la LNH?»

Tu répondras du tac au tac, sans même y penser : «Je crois pouvoir marquer 50 buts cette saison.»

Il en faudra quelques minutes à Bill et ton agent pour cesser de rire. Tu n'as même pas une place assurée au sein de l'équipe et c'est l'une des bonnes équipes du circuit. 50 buts? 50 BUTS?

C'est ridicule de dire une chose pareille, surtout pour un jeune blanc-bec gêné comme pas un. Je ne sais toujours pas d'où c'est sorti. Mais c'est sorti!

Donc, ne fais pas ça. Car même si ton contrat sera réglé, je peux t'affirmer sans crainte que cela n'avait rien à voir avec ta déclaration. Et tu feras ton entrée au camp d'entraînement comme étant le jeune qui a dit à Bill Torrey qu'il en marquera 50. (Cette histoire sera reprise et contorsionnée de toutes sortes de façons).

Ne te trompe pas, les Islanders t'ont repêché pour marquer des buts. Ce qui m'amène à mon prochain conseil: laisse ton entraîneur tranquille.

Al Arbour ne veut pas te parler, Mike.

Les deux ou trois premiers entraînements, tu iras le voir durant les pauses pour savoir ce que tu dois faire dans la zone défensive.

«Coach, est-ce que je dois être le long de la bande?»

«Coach, quand la rondelle est derrière le filet, est-ce que je suis au bon endroit?»

«Coach...»

Finalement il te dira de te la fermer

«Mike?»

«Oui coach.»

«Mike, sais-tu pourquoi tu joues pour nous?»

«Eh bien, eee.....»

«Mike, nous t'avons ici pour marquer des buts. Peux-tu en marquer pour nous?»

«Eh bien, eee.....»

«Mike, ne me dérange plus jamais avec ton jeu défensif. Si j'ai de quoi à te dire à ce sujet, j'irai te voir, ok?»

Tu parleras à Al peut-être deux ou trois fois au cours de la saison.

Al n'a pas besoin de te parler, car il y a un joueur du nom de Bryan Trottier qui veille sur toi. Bryan sera ton meilleur ami au hockey. Mais je dois t'avertir, il provient de l'Ouest canadien, il porte une drôle de petite moustache et son tir pourrait à peine trouer un sac en papier.

Bryan n'a pas un physique imposant, mais il est l'un des centres les plus forts que tu verras. Il travaille sur tous les aspects de son jeu. Il est un joueur complet et tu vas développer une telle chimie avec lui que vous n'allez jamais conserver votre ailier gauche.

Ils vont toujours se plaindre que toi et Bryan ne jouez qu'entre vous deux. Ce n'est pas faux. Mais ça fonctionne. À un moment, tu diras à Bryan : «Tu n'as pas besoin de me voir, tu n'as qu'à voir mon bâton. En autant que tu vois mon bâton, place la rondelle sur la palette.»

C'est cette philosophie qui te permettra de marquer 53 buts à ta première saison. «Trots» en marquera 46 (mais il sera fier de souligner qu'il t'a battu pour le nombre total de points). Au cours des deux premières saisons, tu auras une chimie ahurissante avec lui, mais ton équipe ne remportera pas la coupe Stanley.

Ton équipe n'aura pas encore tous les éléments. Tu vas marquer une tonne de buts en saison régulière, mais tu auras de la difficulté en séries quand le jeu se resserre. Il n'y aura plus de temps, plus d'espace. Tu te feras frapper, taillader sans relâche. Tes adversaires souhaitent te voir jeter les gants.

Alors tu prendras une décision qui, à cette époque, sera passablement controversée. En 1979, tu déclareras aux journalistes que tu ne te battras jamais. Un point c'est tout. Peu importe ce qu'on te fera subir, tu ne laisseras pas tomber les gants. Tu crois que c'est complètement insensé.

Oh que ça fera couler de l'encre...

Tu dois te préparer pour les insultes et les injures. Tu dois te préparer pour le regard des gens et leur perception des propos tenus en 1979. Pour un joueur qui a faussement été catégorisé comme étant «timide», ça ne sera pas une mince affaire. Il y aura de ces gens dans le monde du hockey qui n'accepteront pas qu'un joueur qui refuse de se bagarrer puisse être un gagnant.

C'est lors du premier match de la finale de la Coupe Stanley de 1980 que tu vivras ton moment de vérité. Accidentellement, ton équipe dégagera la rondelle lors d'un jeu de puissance et il y aura une mise au jeu dans ton territoire. Alors que tu patines pour prendre ta place au cercle, tu apercevras Mel Bridgeman se diriger droit vers toi. L'immense, le méchant, l'intimidant Bridgeman. @#&# il ne change pas de trajectoire!

Qu'est-ce que tu fais?

À ce moment précis, tu dois lui passer sur le corps. C'est la dernière chose au monde à laquelle il s'attend. Tu dois t'affirmer, te prouver que tu ne vas pas céder à l'intimidation.

Si tu le fais, il tombera sur le cul devant un Spectrum de Philadelphie rempli.

Il y aura trop d'étonnement pour qu'une bagarre générale s'en suive. Ça ne mettra pas fin aux coups vicieux, mais ton geste va te libérer. Ça remonte aux sentiments que tu avais au creux de ton estomac lorsque tu voyageais pour disputer tes matchs dans le junior.

La fraction de seconde que tu vois Mel venir vers toi, tu dois te dire: «c'est assez».

Cette collision dans le premier match mettra le ton pour les quatre prochaines années de ta vie. Tu gagneras ce match en prolongation pour filer vers ta première coupe Stanley. Trois autres suivront.

Mon plus grand conseil pour toi, c'est de te forcer pour en garder des souvenirs. Aussi triste que cela puisse sembler, alors que je t'écris ces mots à l'âge de 60 ans, je me souviens à peine d'avoir soulevé ces coupes Stanley. Je ne sais pas si ce sont tous les coups que j'ai reçus ou simplement parce que j'étais dépassé par les événements, mais je me souviens de très peu de choses.

Je me rappelle Bryan avec la coupe. J'ai une image vive de lui, complètement fou qui file à toute allure autour de la patinoire du Nassau Coliseum en brandissant le trophée au-dessus de sa tête. Je le vois sur le banc criant à la foule. Je le vois sauter sur Billy Smith après notre quatrième coupe de suite.

Mon conseil, mon Mike, souviens-toi de ces moments. Chéris-les, car ils seront plus courts que tu ne le crois.

Souviens-toi lorsque tu t'es fracturé la rotule lors d'un saut en longueur aux Olympiades de l'école. Tu avais un plâtre de la cheville à la hanche. Souviens-toi que tu avais joué comme receveur tout l'été avec la jambe allongée en demi-écart.

Ton genou ne guérira jamais complètement. Rien de trop grave, car tu pourras patiner sans problème. Mais les avancées de la médecine te feront découvrir que ce genre de blessure en cause d'autres. Neuf saisons après le début de ta carrière dans la LNH, avant même ton 30e anniversaire, ton dos va te lâcher. Et quand le dos lâche, c'est terminé.

Tu ne pourras pas écrire la fin de ton histoire comme tu le voudras. Ce sera difficile à accepter. Mais cette leçon sera importante pour le jeune homme que tu es. C'est la vie. Il n'y a que certains éléments de notre histoire que l'on peut écrire nous-même. Beaucoup d'entre eux sont déjà écrits pour nous.

Pense à ton père par exemple.

Ta route vers tes quatre coupes Stanley a débuté où? Ta collision avec Mel? Avec tout le travail que tu as fait avec Bryan Trottier? Avec l'appel de Bill Torrey? A-t-elle débuté avec tes 260 buts à Laval, ou les 21 à ton premier match novice?

Non. Rien de tout cela n'arrive sans le premier chapitre de ton histoire, celle qui est déjà écrite pour toi.

Tu te souviens du petit 4 et demi à Montréal et ton lit de bébé? Certains matins d'hiver à ton réveil, alors que tu t'asseyais pour déjeuner, ton père rentrait de l'extérieur, la givre aux sourcils. Ça faisait des heures qu'il arrosait la patinoire dans la cour et qu'il clouait une planche de bois à la clôture.

À des milliers de kilomètres dans l'Ouest canadien, le père de Bryan inondait la patinoire de sa cour en brisant un barrage de castors.

On ne peut écrire le début ni la fin de notre histoire.

Mais on peut se coucher tard le soir en écoutant les sons de Hockey Night in Canada.

On peut aussi parler à la fille du casse-croûte.

On peut arrêter de fumer après notre saison recrue.

On peut passer sur le corps de Mel Bridgeman.

On peut réfléchir au passé et dire Dieu merci que j'étais un Islander et je t'aime Bryan Trottier. »

Sincèrement,

Mike Bossy

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16 Avril   |   197 réponses
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